On m’écrit, avec une gravité presque doctorale, que passer le bac serait « se faire du mal ».
C’est drôle, comme certaines phrases peuvent peser plusieurs tonnes tout en tenant en deux lignes. Ce n’est pas la première fois qu’on m’exprime, avec un brin d’étonnement, que ce choix déroute, surtout chez une personne de mon âge…
Je rassure tout de suite l’interlocuteur : personne ne l’y oblige, ni ne m’y oblige, c’est un choix absolument consenti. On ne va pas venir frapper à sa porte avec un formulaire d’inscription et une convocation pour l’épreuve de philo. Ce serait cruel… et, pour lui, totalement inutile, il semble déjà avoir en sa possession tout les savoirs nécessaires pour répondre à ses besoin, et il les utilise avec brio.
Pour moi, c’est un peu l’inverse. C’est même une promesse faite à moi-même il y a longtemps. À vingt ans, je n’ai pas pu réaliser ce désir : la vie m’a tenue loin de mes aspirations, et j’ai dû remettre mes projets d’études dans un tiroir. Aujourd’hui, je savoure chaque minute passée à les reprendre.
J’y vais parce que ça m’amuse, parce que c’est un défi joyeux, parce que j’aime apprendre et réfléchir. Et surtout parce que mon université est tout entière dédiée à la création : un lieu où chaque couloir, chaque salle de séminaire semble taillé pour faire circuler des idées neuves.

J’y croise des enseignants généreux et passionnés, spécialistes de littérature populaire, de littérature décoloniale, de littérature féministe, de poésie, de théories littéraires… Ce voisinage intellectuel est pour moi une source constante de stimulation. Les conversations débordent souvent du cadre du cours, bifurquent vers des références inattendues, ouvrent des pistes de lecture ou d’écriture auxquelles je n’aurais pas pensé seule. Et où ailleurs puis-je trouver un équivalent? Pas dans mon environnement proche…
Alors, pendant que certains imaginent le bac comme une salle glaciale, des surveillants suspicieux et des copies qui sentent le vieux papier et l’encre sèche, moi, je vois des heures denses, des idées qui s’allument, et le plaisir intact de jouer avec les mots.
Il y a des rendez-vous qu’on ne manque pas deux fois.
C’est assez marrant quand j’y pense car je ne peux pas me refléter dans ce récit, le Covid m’a donner le bac sans passer l’épreuve je ne saurais jamais ce que c’est la semaine de stress, d’épreuve consécutif pourtant je suis bachelier.
Mon plus beau souvenir du bac, c'est la promesse de septembre.
Des cahiers neufs, les plans de cours prometteurs. L'impression que cette fois, on va tout donner!