En travaillant sur L’Utopie de Thomas More, je me suis retrouvée à la faire dialoguer avec L’Illusion comique de Corneille, pièce de théatre sur laquelle j’ai travaillé l’automne dernier en créant un balado amateur, loin d’être parfait, mais oh combien intéressant pour les découvertes qu’il m’a amené à faire et aux apprentissages techniques que j’y ai acquis. Ces deux œuvres séparées d’un siècle partagent une même fascination pour le pouvoir de l’artifice.
Chez More, l’île d’Utopie est inventée de toutes pièces, mais la supercherie ne s’arrête pas là : ses amis humanistes, Érasme, Busleyden et d’autres, participent au jeu en rédigeant des textes qui entretiennent l’illusion. Cette mise en scène, à la fois sérieuse et ludique, donne au récit son statut littéraire et contribue, presque par inadvertance, à faire naître un genre nouveau : l’utopie. Le choix du dialogue entre More, Gilles et Hythloday joue aussi un rôle stratégique. En confiant ses idées les plus audacieuses à un personnage fictif mais donné comme réel, More s’est fabriqué une protection politique : il pouvait critiquer son époque sans s’exposer directement.
Chez Corneille, l’illusion prend une autre forme : le théâtre se dédouble, se regarde lui-même et piège autant ses personnages que ses spectateurs, qui, comme Pridamant, croient assister à la vie réelle d’un fils perdu, condamné, exécuté alors qu’il ne s’agit que d’une pièce dans la pièce. L’illusion est totale, mais elle n’est pas gratuite : elle démontre la puissance du théâtre à émouvoir, à tromper, et en même temps à éveiller. Là encore, la fiction n’est pas un simple divertissement : elle devient une expérience critique, qui met à l’épreuve notre rapport au vrai et au faux.
Dans les deux cas, la fiction trompe pour éveiller : elle exploite notre crédulité afin de nous pousser à réfléchir, à douter, à interroger nos certitudes. L’illusion devient un outil critique, une secousse salutaire.
Mais aujourd’hui, l’illusion a changé de fonction. Les fake news ne cherchent pas à troubler pour éveiller : elles saturent notre attention, elles se multiplient jusqu’à nous engluer dans un labyrinthe de récits contradictoires. Au lieu d’ouvrir des possibles pour penser autrement, elles les accumulent jusqu’à nous paralyser. La fiction d’hier ouvrait un chemin ; l’illusion d’aujourd’hui nous enferme dans un labyrinthe sans sortie…. Il n’y a qu’à suivre le fil des nouvelles depuis quelques jours…
D’après vous, le meurtrier de Kirk, il est de gauche, de droite, ou d’ailleurs?
Pour les curieux, ce lien mène vers le balado Pierre Corneille et l’Illusion comique.
Cependant, je vous dois une explication et une requête d’indulgence. Il s’agit d’un balado expérimental, je n’ai aucune formation en voix, je n’avais pratiquement aucune idée de ce que je faisais, mais je suis tout de même très contente du résultat, surtout de ma création des dernières minutes, un balado totalement illusoire!