J’ai envie de revoir New York. Cela fait si longtemps que je n’ai pas mis les pieds dans ce lieu unique au monde. Rien que d’écrire son nom, je sens monter une énergie : les trottoirs qui vibrent, les vitrines, les musées, les librairies où l’on peut se perdre des heures. Traverser un pont, lever les yeux sur ces tours démesurées, c’est ressentir le vertige d’appartenir, ne serait-ce qu’un instant, au centre du monde.
J’ai aimé Soho et ses cafés originaux, Union Square et ses restos aux menus délicieux, la marche sans fin dans Central Park, Fifth Av (the most expensive street in the world) et ses vitrines indécentes, Broadway et bien sûr Times Square, comme toute bonne touriste qui se respecte.
Et les musées! Le MoMA, bien sûr, mais aussi le Guggenheim et son architecture incroyable, et le Frick, musée qui porte le nom d’Henry Clay Frick, magnat de l’acier mêlé à des drames tels que l’inondation de Johnstown (1889) et la grève de Homestead (1892), mais aussi collectionneur averti dont la demeure rassemble aujourd’hui une collection remarquable.
Mais la réalité me rattrape. Les États-Unis me font peur. Oui, j’ai peur, de la violence armée, des tensions raciales et politiques, de la haine qui s’exprime sans filtre. Peur de ce monstre à deux têtes : l’une qui se dit pour le peuple et peine à le démontrer, l’autre qui s’affirme radicale et nourrit surtout la division. Peur aussi de participer, même par un billet d’avion et quelques nuits d’hôtel, à une économie qui s’efforce de plomber celles de tous les autres pays. Aller à New York, c’est aussi financer une machine qui écrase, qui vampirise.
Alors je reste avec ce paradoxe : aimer une ville mais refuser le pays qui l’abrite. Je revisiterai New York autrement, à travers les films, les romans, mes souvenirs de voyage. Je me promène dans mes propres images intérieures : un tableau au MoMA, une ruelle près de Times Square dont le trottoir est couvert de cafards au lever du soleil, un café minuscule dans lequel j’ai ri sans raison.
Je rêve de New York… mais je me sens dans l’obligation morale d’attendre un monde un peu moins brutal pour me laisser aspirer à nouveau par la ville qui ne dort jamais.
Peut-être que je m’en fais trop. Je sais que les nouvelles qui nous parviennent sont souvent biaisées, exagérées. Je le sais car j’ai longtemps vécu dans un quartier victime de rapports tendancieux par les journaux. On nous décrivait le pire, alors que tout était aussi calme qu’ailleurs. Je suis peut-être un peu parano, trop prudente.
Et vous?
Un voyage aux États-Unis aujourd’hui… vous oseriez?
Même était d'esprit! Chelsea me manque mais ça attendra!
Question sécurité personnelle, j’oserais. Pour l’énergie, l’espèce d’orgie électrique. Mais les nausées du fascisme décomplexé m’achèveraient.