5 octobre
Ce matin, en entrant dans la salle de bain, j’ai eu l’impression que mon reflet dans le miroir clignait des yeux une fraction de seconde trop tard.
Un détail idiot, sans doute n’étais-je pas tout à fait réveillée. Mais ce petit moment d’hésitation me reste en tête, comme un rêve qui colle à la peau tout le jour.
Dehors, l’automne s’épaissit, les jours raccourcissent. Les couleurs sont splendides mais l’ombre gagne du terrain.
9 octobre
Devant le miroir, en me brossant les dents, j’ai cru voir ma bouche s’étirer en un sourire forcé. Malaise… un sourire large, grotesque. Mes dents. Oh, mais non. Non, pas les miennes. Des crocs jaunis, trop longs.
J’ai senti la bile monter dans ma gorge. Quand j’ai baissé les yeux, mes mains tremblaient. Quand je les ai relevés, il me fixait encore, ses gencives luisantes d’une salive noire. J’ai quitté très vite, plus que troublée. Peut-être est-ce un premier signe que je perds la raison?
18 octobre
Ce matin, une fissure est apparue dans la glace. Elle court à travers mon visage comme une plaie béante. Elle palpite, comme une veine, grossit, s’étire.
Mais le verre est lisse sous mes doigts. C’est dedans que ça se passe.
Le miroir saigne. Une goutte sombre a glissé le long de la fissure, épaisse, coagulée, puis a disparu dans le cadre comme absorbée. J’ai entendu un battement sourd, lent, obstiné : boum… boum… boum… comme un cœur battant derrière la glace. Peut-être que c’était le mien, répercuté par mes tempes affolées. Mais je n’en suis plus sûre, je deviens folle!
23 octobre
Dans le miroir, derrière moi, une silhouette est apparue. Une silhouette d’ombre se tenait à mon épaule. Mais ce n’est pas une ombre : la peau pend en lambeaux, le visage est effacé, sans bouche, sans yeux.
Quand je me suis retournée, la salle de bain était bien vide. Mais le sol était humide, comme si des pieds nus trempés venaient de quitter la pièce.
Dans le miroir, la chose me dévorait d’un sourire. J’ai voulu croire que mes yeux me trahissaient, que la fièvre inventait cette vision. Une chaleur tiède baignait mes joues, mes yeux pleuraient du sang.
31 octobre
Aujourd’hui, mon reflet ne bouge plus.
Il ne m’imite plus. Il m’attend, immobile.
Ses doigts sont collés à la surface, et de longs ongles griffent doucement le verre. Ça crisse. Chaque coup de griffe laisse une trace rouge, comme si la glace transpirait du sang.
La pièce tremble, la lumière vacille. Je sens l’odeur du fer et de la chair brûlée.
Et quand il lève la main, je la lève aussi. Ma paume rencontre la sienne, froide, visqueuse. J’ai senti un souffle glacé s’infiltrer en moi.
Il a soulevé la main plus haut, lentement, vers la surface du verre. Comme une invitation. Il m’a tendu la main.
J’ai senti la pièce disparaître derrière moi.
J’ai tendu la main à mon tour.
Au-dehors, la nuit d’Halloween bruisse de rires et de pas d’enfants masqués, mais ici, il n’y a plus de jeu.
1er novembre, Jour des morts
Ce matin, quand j’ai ouvert la porte, j’étais déjà là.
Devant le miroir, debout, immobile, les yeux dilatés.
Dans la glace, il n’y avait plus personne. Rien qu’un trou noir béant, aux parois de chair, qui palpite et m’appelle. Des veines serpentent sur le verre, et au fond, quelque chose mâche, brise, digère.
La salle de bain sent la moisissure et le sang séché.
Je crois que je n’ai jamais eu de reflet.
Je crois que c’est moi qui étais derrière la glace depuis toujours.
La folie n’est plus un doute, mais une certitude à laquelle je me rends.
Laisse un ❤️ pour m’encourager dans ces histoires de peur!